Monographie

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Partout en France, des monographies ont été réalisées par les instituteurs, à la demande du ministère de l’Instruction Publique, pour la préparation de l’exposition de l’enseignement primaire public, à l’exposition universelle de 1889.

Elles ont été rédigées sur un plan unique, répondant à un questionnaire dressé par l’Inspection Académique du département.

Voici un extrait de la monographie rédigée par Henri Cadiot, instituteur en fonction à Ognéville et retranscrit, pour une meilleure lisibilité, par A. Gleizes et E. Graeffly

Ce document est consultable aux Archives de Nancy

 

 

Monographie géographique

N°1. La commune d’Ognéville est située à 32 km au Sud de Nancy, et à 2 km au Sud-Ouest de Vézelise. Son territoire est confiné par ceux des communes voisines, qui sont :
Nord : Hammeville et Vitrey
Sud : Etreval et Vroncourt
Ouest : Laloeuf et Thorey
Est : Vézelise
Le territoire est une plaine presque uniforme, limitée au Nord par le coteau ou mamelon de Voiremont et au Sud par le vallon du Brénon, petit ruisseau.
La nature du sol est argilo-calcaire ; cependant on remarque la glaise dite de St Firmin au coteau de Voiremont ; à l’Ouest l’argile blanche et froide près de la Forêt ; au Sud, sur les deux versants du vallon du Brénon, un terrain par trop sablonneux en divers endroits et dans le fond du vallon, un terrain d’alluvions des plus fertiles. La culture de ces divers terrains donne des produits de beaucoup de variétés.

N°2. Section dite des Ansanges.

Nom de tous les lieux-dits de la commune__________________
Talmarche / Voiremont / Carottes / Conrées / Poirémont / Grandes Herbues / Courtes Herbues / Chaux-four / Rouaux / Tarrière / Je ne sais / Sous Montanraies / En Quâ / Févril / Poirier sauvage / Poiriérmont / Malvoisin / Grandes saules / Le Vara / Le Curé / Tonier / Poirier de l’homme / Le haut de / a ville / Hattigny / L’entonnoir / Oimpré / La chèvre haie / Friches le Bailly / Procureur ou rabasin / Genière / Moulin Démange / Oyécsot / St Blaise / Pranrieux / Caboches / Haut de Vau

Section dite Rabasin._________________________________
Moquart / Le Fy / Le Signon / Les Corvées / St Languies / La Motte / Rauvaux / Pransieux / Chenevières / Louis / Les Roches / Haie au Genièvre / La Louvière / Le Poiteau / Les Tapes ou Tarpe / Vieille église / Tête d’ânes / Côte hasard / Champ des glands / Laya / Le Breuil / Les Gaudines / Les
Noux / Pré Gaurnés / La Croix St Languies / Le Grand Jard / Le Ban / La Barraque / Grénian

Section dite Grénian _________________________________
La Talmarche / Breuil / Pré de Hou / La Jonchère / Champ Chatié / Le Quéné / Les Longs Jours (ou champs) / La haie des malades

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5° Cours d’eaux ___________________________________
Le principal cours d’eau est le Brénon qui se jette dans le Madon, et qui reçoit l’Uvry à Vézelise. Le village possède une fontaine qui tarit en été ; il y a en outre trois sources ou fontaines sur le territoire dont deux : celles de St Blaise et de Grandes Côtes sont excellentes. Le Brénon déborde chaque fois que l’eau tombe pendant quelques jours. Son maximum de hauteur est 2m80 environ. Les prés qui le bordent sont inondés fort souvent et fournissent un foin peu estimé.
6° Météorologie. ___________________________________

Climat vosgien ; air vif ; contrée peu exposée à être grêlée. Vents les plus funestes Nord et Nord-Est.

7° Statistiques ____________________________________
La population constatée au dernier recensement était de 216 habitants ; en 1881 elle fut de 219 habitants. En l’an 1710 elle fut de 20 habitants, en 1802 de 180 et en 1822 de 254.
Les décès pendant l’année écoulée furent de 8 ; en moyenne ils sont de 4 et les naissances de 4 pour les 10 dernières années. La population d’Ognéville varie peu attendu qu’elle est essentiellement agricole et que les idées d’émigration ne prennent point d’extension parce que la commune concède à chaque habitant marié, environ 1 ha de pâtis communaux comprenant un lot de vignes. On ne voit point de misère ici.

8° Constitution des habitants __________________________
Le tempérament des habitants est robuste : peu de maladies épidémiques les frappent. Tous, étant ouvriers des champs et jouissant par suite de la configuration du territoire et de sa situation d’un air vif et sans cesse renouvelé, il s’ensuit un état général de santé excellent. Les idées superstitieuses sont en vogue chez les anciens, où l’instruction n’est point développée. Les villageois sont sobres, économes et laborieux, mais en général pas assez propres chez eux et sur eux. Il y a peu de nombreuses familles. La plus nombreuse est de 6 enfants, 3 ménages sont sans enfant. L’école est fréquentée par 35 enfants des 2 sexes : 18 filles, 17 garçons.

9° Etat des terres. __________________________________
Les terres sont bien entretenues et d’un fort bon rapport. Il n’y a pas de terre inculte sur tout le territoire. On ne peut au grand regret de la majeure partie de la population changer l’assolement triennal, par suite du manque de chemins d’accès. On ne fait presque point de jachère. La manière de cultiver la terre se fait encore trop comme anciennement : la routine est encore trop la ligne de conduite des cultivateurs ; les progrès obtenus sont mis en doute parce qu’on ne peut en juger par les yeux. Un
champ d’expériences ferait plus que toutes les conférences et tous les rapports des professeurs d’agriculture : cela pour chaque commune.
Les engrais mixtes sont les seuls en usage : on craint d’essayer des engrais chimiques.
Les prairies naturelles ne sont pas étendues ; cela tient à ce que la majeure partie du territoire est sur un plateau élevé. Par contre il y a beaucoup de prairies artificielles : trèfles, luzernes, lupuline, sainfoin.

10° Culture de toutes pièces ___________________________
Les céréales : avoine, froment, orge, seigle, sont cultivées sur une vaste échelle. La pomme de terre est seulement cultivée pour les besoins intérieurs de la maison. La betterave est peu cultivée : le bétail pourrait en consommer beaucoup plus qu’on n’en plante. On compte 18 ? ha de vignes, et environ 2 ha de tabac. L’importance de ces cultures dans l’alimentation et les ressources des habitants est capitale. Tout ce qui n’est pas employé directement pour nourrir la population ou le bétail, est vendu et forme les bénéfices du paysan. Ce sont les seules ressources de la localité qui n’a aucune industrie, sauf l’ingrat métier de brodeuse, avec perles de Venise.

11° En somme rien de remarquable concernant la culture et le pâturage, sauf l’emploi trop tardif des engrais, lesquels sont très souvent évaporés quand on les conduit dans les terres ; perte des eaux de fumiers ou purin : résultats de la routine.
Le pâturage n’a lieu que lorsque les récoltes sont rentrées ; cela nuit pendant le mois d’Octobre à la fréquentation scolaire. La loi sur l’obligation n’est pas respectée.

12° Pêche et chasse _________________________________
La Pêche est l’objet de délassement de quelques rentiers. Le ruisseau, le Brénon, n’est pas poissonneux. On remarque cependant quelques rares spécimens de poissons. Brochet, carpe, perche, tanche, rousse ou chevène, la lotte ; anguille, moutoile, têtard, épinoche, goujon, ablette, écrevisse.
Pour la chasse, la colline du Brénon et la campagne voisine sont assez giboyeuses ; on y voit le lièvre fréquemment ; le renard est très commun ; la perdrix, la caille, l’alouette s’y voient en quantité. Quant aux fauves, le loup y fait de rares apparitions ; le sanglier, le cerf, le chevreuil ne s’y voient jamais. Les oiseaux de proie, la buse, l’épervier, le milan, l’émérillon sont les plus communs.

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Monographie historique

Commune d’Ognéville (216 habitants) _____________________
Le mot Ognéville vient peut-être du mot Ogni (préposition italienne) signifiant sans, et villa, ville, ou sans ville, ou hameau (écart de Vézelise). C’était en effet un hameau au commencement du XVIè siècle.

Monuments primitifs ________________________________
4° Il existe à Ognéville au lieu-dit la Tarpe ou Trape, comme les paysans le nomment, des sépultures gauloises ou romaines, groupées, distantes d’environ 1 mètre l’une de l’autre. On découvrit, il y a environ 20 ans, plusieurs de ces tombeaux en arrachant des pierres pour faire des corvées sur les chemins. M. Beaulieu, ingénieur départemental, a pu se procurer les objets trouvés dans ces tombeaux et consistant en objets d’art, entre autres un stylet en bronze ciselé, un vase en terre grise, M. Toussaint Jean-
François possède actuellement un vase en terre grise et divers grains de collier en terre, un reste d’agrafe, trouvés dans un de ces tombeaux, et dont les dessins d’après nature et grandeur naturelle se trouvent à la fin de cette monographie.
En certains endroits aux environs du lieu où l’on trouve ces tombeaux, la terre retentit sous les pas : cela sonne le creux ; c’est l’indice que d’autres tombeaux se trouvent encore là, attendant que le hasard les fasse explorer. Un maréchal du lieu, il y a 25 ans environ, creusa un trou pour y mettre un poteau devant servir à la clôture d’un terrain ; il trouva environ à 50 mètres des tombeaux déjà découverts, une sépulture d’un guerrier, faite de pierres plates, non liées par un ciment au mortier quelconque ; elle contenait le squelette d’un soldat avec une épée plate, anguleuse sur le milieu de la lame. Sur la ligne médiane se voyaient des incrustations en métal blanc comme notre maillechort ; une cuirasse, un casque qui tombèrent en morceaux au premier toucher. L’épée qui était de conservation douteuse, fut mise au feu par le fils du maréchal dans le but de la dérouiller, mais elle se consuma ou plutôt le métal rouillé se désagrégea, si bien que rien n’est resté de cette trouvaille intéressante.

5° On découvrit encore quelques médailles ou monnaies dans ces tombeaux ; mais je n’en ai découvert aucune trace.

Monuments gallo-romains
6° Il y a entre Ognéville et Laloeuf, à la croisée des chemins de Laloeuf et de Thorey, un reste de voie romaine, dit chemin de la Talmarche. J’ai mis dans le musée de l’école un fer à cheval romain trouvé sur la dite voie entre 2 pierres par M. Toussaint possesseur du vase, lequel possède en cet endroit beaucoup de champs traversés par ladite voie. Cette voie est pavée comme le sont les écuries. Elle va de Vicherey à Vitrey et au-delà : j’en ai vu des vestiges, avec doubles pavés superposés au-delà de Vitrey ; sans doute pour aller sur le faîte du Mont d’Anon près de Goviller.

11° M. Toussaint Jean-François possède, comme je l’ai relaté au n°4 ci-dessus, un vase en terre grise trouvé dans un de ces tombeaux.

III Monuments du Moyen-Age,
Renaissance et Temps Modernes

L’église date de 1842. Elle fut bâtie sur l’emplacement de l’ancienne qui n’avait que 50 ( ?) ans environ d’existence ; le village fut transporté où il
est, il y a 150 ans environ : il se trouvait où la fontaine de St Blaise coule encore, au lieu-dit Vieux Moulin : c’est là que se voyait l’ancienne église.
L’église est dédiée à St Blaise. Elle a 30 m de long et 12 de large. Elle représente une croix. C’est une construction vulgaire sans aucun style. Pas de voûte : un simple plafond. Pas de vitraux : des fenêtres. Le choeur a 4 vitraux dont

17° les couleurs se détériorent déjà et qui datent de 30 ans environ.

21° Le clocher a 20 mètres de haut y compris la flèche couverte en zinc ; sa place est au-dessus de l’entrée à l’opposé du choeur.

24° Il a existé à la Haie des Malades, ou de ce côté, une Maladrerie : on voit à tout instant dans les champs des tuilons en labourant ; et on rencontre souvent aussi des restes d’armes datant des guerres de Louis XIII et de ses successeurs.

27° Il existe, au lieu-dit, St Languies, une croix qui est avec la fontaine de St Blaise l’objet d’un pèlerinage. On va de la fontaine à la croix après avoir trempé dans les eaux de celle-ci une chemise d’enfant malade. Si la chemise s’enfonce dans l’eau, l’enfant mourra, si elle surnage il sera sauvé. C’est une croix toute vulgaire comme forme. Une image de la vierge et une autre du Christ sont pour chaque côté les seuls ornements qu’on y remarque.

35° La fontaine de St Blaise et la croix de St Languies sont renommées pour le pèlerinage qui s’y fait : on y vient de tous côtés. Cette superstition est encore en vogue dans tous les environs.

37° Quand il y a un mort dans une maison de la localité, on couvre les miroirs d’un linge ou on les retourne de peur qu’on aperçoive l’esprit du mort ; on arrête aussi les horloges, les pendules. Si le mort possède des ruches, on va avertir les mouches de la perte qu’elles ont faites de leur propriétaire ; on leur fait porter le deuil en les masquant d’un crêpe noir qui reste au rucher environ 1 mois. Quant à la date ou à l’origine de cette coutume risible, personne n’a pu me renseigner.

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